• "à dix pas ne sont plus audibles nos paroles"

     

     

    L'inoubliable bruit du temps ...  avec Ossip Mandelstam

     

    Mon âme meurtrie, dans l’impuissance devant la folie belliqueuse de Poutine qui attaque pour soumettre l’Ukraine à sa jouissance dictatoriale,

    je lis Ossip Mandelstam, poète proscris, accusé de « ne pas avoir fait corps avec la révolution ».

    Le tyran Staline de ses poèmes est reconnaissable dans le Poutine de nos cauchemars:

     

    Printemps froid. La sans pain, la craintive Crimée,

    Comme sous Wrangel – et pareillement coupable.

    Chiens bergers sur le sol. Loques rapiécées.

    Et la même morsure de fumée acide.

     

    Mais beaux comme toujours les lointains, comme absents,

    les arbres, leurs bourgeons sur le point d’éclater,

    sont comme des intrus, et fait pitié à voir,

    l’amandier qu’embellit la bêtise pascale.

     

    La nature ne reconnaît pas son visage

    et terribles sont les ombres de Kouban, d’Ukraine…

    Des paysans faméliques, sur le sol de feutre,

    gardent la porte, ne touchent pas à la clé.

    Ossip Mandelstam, mai 1933, Stary Krym

     

    La même année 1933, en novembre, le poète interdit par le régime stalinien, écrit :

     

    Nous vivons sans sentir sous nos pieds le pays,

    à dix pas ne sont plus audibles nos paroles,

    mais là où la parole à demi-mot suffit

    c’est lui, le montagnard du Kremlin, qu’on évoque.

    Ses doigts épais sont gras comme des vers de terre,

    ses mots, infaillibles comme des poids d’un poud.

    Parmi ses moustaches ricanent des cafards

    et les tiges de ses bottes sont des miroirs.

     

    L’entoure une racaille de chefs au cou frêle,

    sous-hommes dont il use comme de jouets.

    Un qui siffle, un autre qui miaule, un qui pleurniche,

    lui seul s’amuse en père fouettard et tutoie.

    Il forge, comme fer à cheval, ses oukases –

    frappe, qui à l’aine, qui au front, qui à l’œil.

    Toute mise à mort est pour lui délectation

    et fait se dilater sa poitrine d’Ossète.

     

    (Ossip Mandelstam, Œuvres poétiques, Le bruit du temps, 2018, p. 427 et p. 439)

    « Une clarté au plus près de l’obscur vraiUn premier mars sans Martisor »

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