Luminitza C. Tigirlas, Ici à nous perdre,
éditions du Cygne,
collection Le chant du cygne, 2019.
Illustration de couverture : Doïna Vieru.
Lecture de Murielle Compère-Demarcy
Tous me remerciements vont vers Jean-Pierre Longre qui me fait l'honneur de publier une Note de lecture de mon livre de poésie "Le dernier cerceau ardent", éd. du Cygne, 2023, dessin de couverture: Doïna Vieru.
à découvrir ici:
http://livresrhoneroumanie.hautetfort.com/archive/2023/10/27/l-insoumission-des-mots-6468108.html
Luminitza C. Tigirlas, Le dernier cerceau ardent, Éditions du Cygne, 2023
Ce recueil est composé de quatre parties d’inégale longueur : « Au fil du a », bref ensemble de poèmes numérotés de (a) à (a3), où semble dominer la vie domestique et familiale (la mère, le père, les enfants) ; « Saigner un trou à la faux », aux poèmes numérotés de I à IX, et dans lesquels apparaissent des motifs religieux (« Dieu maternel ») mêlés parfois à des considérations linguistiques ; « Dieu-Haleur », la section la plus longue, dans laquelle ce mystérieux Dieu, secondé (ou contrecarré ?) par un non moins mystérieux « Aiguilleur-du-Ciel-sonneur », opère des mouvements divers dans l’espace, dans le temps, dans le langage ; les derniers poèmes, réunis sous le titre « en boule des mots je m’enroule », répondent à ce qu’annonce ce titre, avec significativement un texte dédié à Gherasim Luca et à son recueil poético-épistolaire Levée d’écrou, et appellent à l’insoumission.
Ce qui précède n’est qu’une tentative un peu vaine d’analyse d’un recueil qui résiste à tout essai de ce type. La poésie de Luminitza C. Tigilras est exigeante, riche de connotations, et pour la lire il faut simplement se laisser porter par la « partition » que nous proposent les vers et les proses, et avec l’autrice bifurquer aux « aiguillages de la rive », passer du Prut (« Pyreta ») à la Camargue, de « l’Est [qui] s’allonge langoureusement sur sa rive d’origine » à l’Ouest indéfinissable (« OùEst »), s’insurger « face à Lucifer »… Tout cela se décline en jeux verbaux (le « soufre » et la « souffrance », « Onde », « Monde », « Démon », « foie », « folie », « foi » etc.), en onomatopées musicales ou affolées, laissant passer des allusions à la Moldavie (« Ungheni, ville de la rive Est », le jeu de la « tzurca »…). D’autres thèmes, d’autres images, d’autres chocs sonores sont à découvrir dans ce beau recueil, « Lave en éclat de fusion et de rire / mélange subtil d’ire et de sanglot ».
Jean-Pierre Longre
http://www.editionsducygne.com/editions-du-cygne-luminitza-c-tigirlas.html
Le livre peut être commandé en librairies, à la Fnac et sur le site de l'éditeur:
http://www.editionsducygne.com/editions-du-cygne-dernier-cerceau-ardent.html
Jean-Pierre Longre se penche en toute délicatesse
sur mon poème "Ici à nous perdre" ,
merci à lui pour cette lecture détaillée:
http://livresrhoneroumanie.hautetfort.com/archive/2019/12/03/mort-et-metamorphose-6194527.html
Luminitza C. Tigirlas, Ici à nous perdre, éditions du Cygne, 2019
Les brefs poèmes de ce recueil sont dédiés « à l’Amie disparue », mais s’adressent à tous les lecteurs qui veulent bien pénétrer la densité de textes dont les motifs sont portés par une langue « aux mots nouvellement reconquis ». Une reconquête que Luminitza C. Tigirlas mène de livre en livre, de poème en poème, depuis ses propres origines linguistiques. Nous sommes donc sous le signe du renouvellement, en particulier celui des images : c’est « le vin de paille » qui a bu, ou « le deuil [qui] s’habille », non l’inverse ; il se peut que « les cormorans rédigent des testaments » (oui, on peut y lire « corps mourants », ce qui implique bien plus qu’une simple originalité animalière), ou « tu déneiges une métaphore »…
L’audace des paradoxes (« paroles indicibles », « voix insonores ») va de pair avec les pauses, les blancs, les silences, les respirations musicales, qui permettent au souffle de revenir (« Quel souffle me ranimera ? »), à la vie de « l’Amie » de se re-manifester « ici », quitte à « nous perdre » (« Le souffle d’un ailleurs la prend par la taille »), et de se soustraire « à l’invasion cancéreuse », de passer « de métastase en métamorphose ».
De même que la nature, les fleurs, parfois les oiseaux répondent à l’appel du « vent floriculteur » qui les porte, de même les mots se laissent porter par leurs sonorités : « à mort » appelle « à morsure » et « Amore », « épier » appelle « expier », « digne » et « cils » appellent « cligne », etc. De la musique encore, qui au-delà du ludisme participe à l’exploration des profondeurs de la vie, de la maladie, de la mort, du manque ; et « seul l’amour n’est pas à perdre ».
Jean-Pierre Longre
Je remercie de tout coeur Murielle Compère-Demarcy
pour sa lecture de mon livre de poésie publié sur "Terres de femmes":
Luminitza C. Tigirlas, Ici à nous perdre,
L'essorage du verbe sera toujours indélicat.
Ce verbe
est le sang même du fantasme
et ne se renouvelle que par de transfusions atemporelles et
timidement spatiales.
Ce jour
il monte à tes lèvres uniquement par ces bords affamés.
L'assèchement
imbrique le verbe à 400 tourments dans
la couleur argile...
Dans cette lumière confondue avec l’obscurité personne ne bronche et tu entends
s'embrouiller ta propre respiration.
Pourquoi,
me demandes tu, la sève de ce mot ne redonne éclat à la vielle transparence?
Cependant elle monte comme l'eau à la bouche...
Après 1200 tours de tambour:
lambeaux!
Tes anciennes dentelles chatouillent la chair avec ton culot.
Luminitza C.Tigirlas, 9-16 septembre 2018
Doïna VIERU (technique mixte sur papier, 2018)