-
Par Luminitza C.Tigirlas le 17 Septembre 2018 à 07:02
Le blanc et le noir ...avec Eugène Ionesco
Dès ma première pièce de théâtre, je me suis pris à vouloir écrire la tragédie du langage : ce fut comique. Je suis un auteur comique. Un dessinateur naïvement comique. Avec le temps et l’expérience je serais menacé par la tentation du tragique, heureusement ce n’est que du comique. Tout au plus, des formes comiques du mal. Mais c’est bien cela : le mal doit être comique, le mal c’est peut-être le comique, c’est peut-être cela. En somme, c’est la fête, un mât de cocagne avec des lots-surprises accrochés à chaque branche.
Ces lots-surprises sont des masques pour les enfants.
Mais tout ce que je dis est double. Les masques eux-mêmes sont généralement horribles, il y a peu de choses qui séparent l’horrible du comique. En fait ils ne sont pas si horribles que cela. La mode est aujourd’hui de donner aux enfants des poupées bien plus horribles que mes masques. Je suis encore dans le débonnaire. Pourquoi donne-t-on aux enfants des monstres-poupées, alors qu’on leur donnait autrefois des poupées aux figures douces et sereines. Je vous laisse donner des explications à ce fait.
Eugène Ionesco, Le blanc et le noir, Gallimard, 1985, p. 44.
votre commentaire -
Par Luminitza C.Tigirlas le 13 Septembre 2018 à 13:41
QUAND LE BLANC... avec Paul Celan
QUAND LE BLANC NOUS EST TOMBé DESSUS, pendant la nuit ;
quand de la cruche dispensatrice est venu
plus que de l’eau ;
quand le genou écorché
a fait signe à la cloche du sacrifice :
Va, vole ! –
Alors
j’étais
encore entier.
Paul Celan, QUAND LE BLANC..., in "Renverse du souffle", traduit de l’allemand par Jean-Pierre Lefebvre, Seuil, 2003, p. 39.
votre commentaire -
Par Luminitza C.Tigirlas le 9 Septembre 2018 à 16:57
Le verbe avec Gherasim Luca
...
Tout y est:
le cou de « couvrir » découvre l’être
en « fenêtre »
entr’ouverte
comme un déla roue et la hache
Et voilà la Pure-lâcheté-de-s’enfuir-
précipitamment-
devant-l’absence-de-danger
qui recommence:
Comment -se- délivrer –de -soi-même/commet un délit d’être:
il livre son corps aux deux m
et aux deux anses
qui l’attachent encore à « commence »
ou plus précisément
à Comment -se- délivrer -de- soi-même
mais en tirant des coups de feu
les coups de l’ex « tout à coup »
sur tout
et surtout sur soi-même
et sur l’Impossible –façon –d’ouvrir-
tout -à-coup-
une –fenêtre –sur –la –pure –violence
qui
fourrée au centre des cibles
entre par l’être de la « fenêtre »...
Gherasim Luca, Le verbe, in « Comment s’en sortir sans sortir »,
Un récital télévisuel réalisé par Raoul Sangla, 1988, DVD, José Corti et Héros-Limite, 2008.
votre commentaire -
Par Luminitza C.Tigirlas le 9 Septembre 2018 à 06:22
Dans l'Océan de terre avec Apollinaire
À G. de Chirico
J’ai bâti une maison au milieu de l’Océan
Ses fenêtres sont les fleuves qui s’écoulent de mes
yeux
Des poulpes grouillent partout où se tiennent les mu-
railles
Entendez battre leur triple cœur et leur bec cogner
aux vitres
Maison humide
Maison ardente
Saison rapide
Saison qui chante
Les avions pondent des œufs
Attention on va jeter l’ancre
Attention à l’encre que l’on jette
Il serait bon que vous vinssiez du ciel
Le chèvrefeuille du ciel grimpe
Les poulpes terrestres palpitent
Et puis nous sommes tant et tant à être nos propres
fossoyeurs
Pâles poulpes des vagues crayeuses ô poulpes aux becs
pâles
Autour de la maison il y a cet océan que tu connais
Et qui ne se repose jamais
Apollinaire, Océan de terre, in Calligrammes, Œuvres poétiques, Gallimard, La Pléiade, 1965, p. 268.
votre commentaire -
Par Luminitza C.Tigirlas le 7 Septembre 2018 à 06:37
Avec Pierre REVERDY dans Le chant des morts (1944-1948)
Je voyage percé à la surface
A la terre pleine de sons
Au signal qui vole à la trace
Au gré des signes sans rigueur de la présence
D’un fil à l’autre
D’un éclair sans voix
votre commentaire -
Par Luminitza C.Tigirlas le 30 Août 2018 à 20:52
La Journée de la langue roumaine (31 août)
Sur les pas du poète Lucian BLAGA
Avec tes clameurs de lumière, avec les yeux sans fond de tes océans,
avec les traces laissées dans la boue
par d'innombrables vierges
tremblant à cet instant
de désir
sur ta terre merveilleuse,
je t'appelle:
viens, Univers,
viens.
Souffle dans mon oreille le murmure des sources,
où au coeur de la nuit,
à l'insu de tous, les raisins
se détachent de la vigne et se rassemblent
pour s'emplir de jus,
et alors — avec ta générosité mortelle
viens,
Univers,
viens.
Et rafraîchis
mon front brûlant
comme le sable de feu
que foule lentement, lentement
un prophète au désert.
Lucian BLAGA, Pasii profetului, Les pas du prophète , Traduction du roumain par Jean Poncet, Jacques André éditeur, 2017, p. 71.
votre commentaire -
Par Luminitza C.Tigirlas le 19 Août 2018 à 10:33
Le 31 août 1941 la Poétesse a pris une corde...
Un
nœud
coulant
pour celle qui vivait dans le feu
Dans l'intervalle entre la mort de Rilke et son propre suicide,
Marina Tsvetaeva a écrit ...aux mondes:
***
Le poème de l’air
Vieille chute de la chair
Selon l'oreille — être esprit
Pur. Au siècle laissons
L’alphabet !
Ouïe pure
Ou son pur est-ce ainsi
Que nous avançons ? Avant-son
Du sommeil. Avant-frisson
De félicité. Grondement plus tumultueux
Qu'ondes équinoctiales dans une grotte.
Que nuque secouée d'épilepsie.
Que femme au ventre de la femme.
Grondement certes, mais comparé au
Tombeau de Pâques, tellement moindre
Fracas!
D'une sonorité plus haute
Que le sonore — par pause-intervalles
(...)
Mai 1927
Meudon, à l’heure de Lindbergh
Marina Tsvetaeva, Le poème de l’air, in Insomnie et autres poèmes,
Édition de Zeno Bianu, Poésie/Gallimard, 2011, p. 189.
(à suivre)
votre commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique