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Par Luminitza C.Tigirlas le 20 Juillet 2022 à 18:16
De Moldova orientale, lieu de ma naissance, jusqu’à Sète, le chemin est celui d’un funambule qui cherche l’équilibre dans les lignes de Paul Valéry. Le fil sur lequel je titube n’indique pas le trajet vers Sète en partant de Montpellier où je vis, je travaille et j’écris depuis 2020 en passant par Lyon et Paris, ville qui m’a accueillie à partir de 14 janvier 2000. À Paris j’ai reçu l’acte de ma naturalisation française.
J’écris en français par amour de cette langue et fantasmatiquement j'en ai fait ma langue d'écriture par peur que si je revenais à mon roumain d’origine appris et pratiqué en Moldova orientale sous régime soviétique, le cyrillique s’imposerait à nouveau face à l’alphabet latin et je me retrouverais écartelée, encore.
Cette année 2022, le Festival international de poésie Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée m’invite sous les bannières de la Roumanie / Moldavie orientale, à côté d’Ana Blandiana, poète née en Roumanie, de l’autre côté de la rivière Prutul, du coté Ouest, là où mon rêve de Patrie réunifiée s’ouvre au monde occidental.
En Moldova orientale, celle des Roumains sans Patrie, il m’est arrivé de lire les poèmes d'Ana Blandiana jusqu’à briser ma voix si jeune, si étrangère de par mon accent dû au bilinguisme roumain/russe.
La poésie naît sur des voies clandestines et les poèmes orthographiés dans l’alphabet roumain arrivaient tout de même à nous, exilés sur nos propres terres car annexées par la Russie impériale.
En France, je relis Ana Blandiana en édition bilingue, goûtez à cette version française :
Ne me laisse pas
Tomber dans le futur,
M’effilocher dans le temps qui viendra,
Comme un oiseau
Enseveli à l’horizon lointain
Dans la tombe du ciel.
Sois pour moi l’ancre
Dans l’argile
Capable de me retenir à l’herbe
Du présent,
Un présent devenu passé,
Sois pour moi l’ancre
Et demande…
Ana Blandiana, Ma Patrie A4, traduit du roumain par Muriel Jollis-Dimitriu, Black Herald Press, 2018, p. 103.
Nous serons réunies lors d'une séquence commune dans le cadre du Festival Voix Vives :
Mercredi 27 juillet 2022 :
11H-12H RUE VILLARET-JOYEUSE (CÔTÉ RUE DES TROIS JOURNÉES). PLAN 14 SOUS UN MÊME CIEL LECTURE/DÉBAT Poètes d’un même pays ou d’une même région de la Méditerranée. Ana Blandiana (Roumanie) Luminitza C. Tigirlas (Roumanie/Moldavie orientale) PRÉSENTATION : PATRICIO SANCHEZ
Voir le programme complet du Festival de poésie:
https://www.sete.voixvivesmediterranee.com/Publications/Programmes_festival/
Les extraits de toutes mes présences à Sète:
http://luminitzatigirlas.eklablog.com/luminitza-c-tigirlas-poete-invitee-a-sete-2022-a212848639
Je hâte d'y être.
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Par Luminitza C.Tigirlas le 16 Juin 2022 à 08:52
au dessus de la forêt il y a la lune ronde
maman s’est enfermée dans la forêt
maman arrive près du pont puis elle est sur des chemins
maman est en silence
maman apparaîtra
j’ai tout le temps sous les arbres
le soir j’ai prié pour maman
ö lune de la lumière
le bras de peau de maman dans le rêve
j’attends maman pour être ensemble
maman perdra ma voix qui l’appelle
maman me fait souffrir
je ferme très fort les yeux les poings je ne crois pas que j’ai peur mais maman ne veux plus être là
je regarde la neige qui ne sait pas mon nom
maman me laisse écrire
je dors sur ma joue
quand j’ai ouvert la fenêtre l’arbre me ressemble
maman a fait un rêve jusqu’à moi
la neige est blancheEric Sautou
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Par Luminitza C.Tigirlas le 15 Avril 2022 à 09:10
Trois questions à la sanpatri
et la patrimoëlle alors
tu en feras quoi?
ton cinéma tourne en rond
un patrimêle moëlleux
de patrimots?
qui s'en mêle?
Sylvie Durbec, ça, qui me poursuit,
éditions Les Carnets du Dessert de Lune, 2020, p. 59.
Images de la rencontre avec la poète Sylvie Durbec
lors de mon séminaire "Inconscient&réverbérations poétiques",
séance du 16 avril 2022 au Petit Théâtre du Gazette-Café, 6 rue Levat Montpellier.
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Par Luminitza C.Tigirlas le 25 Février 2022 à 16:04
L'inoubliable bruit du temps ... avec Ossip Mandelstam
Mon âme meurtrie, dans l’impuissance devant la folie belliqueuse de Poutine qui attaque pour soumettre l’Ukraine à sa jouissance dictatoriale,
je lis Ossip Mandelstam, poète proscris, accusé de « ne pas avoir fait corps avec la révolution ».
Le tyran Staline de ses poèmes est reconnaissable dans le Poutine de nos cauchemars:
Printemps froid. La sans pain, la craintive Crimée,
Comme sous Wrangel – et pareillement coupable.
Chiens bergers sur le sol. Loques rapiécées.
Et la même morsure de fumée acide.
Mais beaux comme toujours les lointains, comme absents,
les arbres, leurs bourgeons sur le point d’éclater,
sont comme des intrus, et fait pitié à voir,
l’amandier qu’embellit la bêtise pascale.
La nature ne reconnaît pas son visage
et terribles sont les ombres de Kouban, d’Ukraine…
Des paysans faméliques, sur le sol de feutre,
gardent la porte, ne touchent pas à la clé.
Ossip Mandelstam, mai 1933, Stary Krym
La même année 1933, en novembre, le poète interdit par le régime stalinien, écrit :
Nous vivons sans sentir sous nos pieds le pays,
à dix pas ne sont plus audibles nos paroles,
mais là où la parole à demi-mot suffit
c’est lui, le montagnard du Kremlin, qu’on évoque.
Ses doigts épais sont gras comme des vers de terre,
ses mots, infaillibles comme des poids d’un poud.
Parmi ses moustaches ricanent des cafards
et les tiges de ses bottes sont des miroirs.
L’entoure une racaille de chefs au cou frêle,
sous-hommes dont il use comme de jouets.
Un qui siffle, un autre qui miaule, un qui pleurniche,
lui seul s’amuse en père fouettard et tutoie.
Il forge, comme fer à cheval, ses oukases –
frappe, qui à l’aine, qui au front, qui à l’œil.
Toute mise à mort est pour lui délectation
et fait se dilater sa poitrine d’Ossète.
(Ossip Mandelstam, Œuvres poétiques, Le bruit du temps, 2018, p. 427 et p. 439)
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Par Luminitza C.Tigirlas le 15 Février 2022 à 09:48
Je vous invite à lire sur le site de l'A.L.I. notre entretien avec le poète James Sacré à propos de son rapport à l’écriture. Ce texte est issu de la Séance du 25 novembre 2021 du Séminaire « CRÉATION & PSYCHANALYSE : RÉVERBERATIONS. La poésie à gorge déployée » qui a lieu à Montpellier.
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Par Luminitza C.Tigirlas le 6 Décembre 2021 à 19:38
version Christine Durif-Bruckert
Pause gravide
au centre d'une tragédie qui ne peut s'éteindre.
La peinture atteint son plus profond dépouillement.
J'entends les morts
leur chuchotement.
Ils reviennent
ils annoncent la vie.
Retour de ce que
nous pensions de ne pas avoir vu
pourtant déjà inscrit dans le tournoiement de l'oeil.
Je me suis mise à l'écoute des râles et de soupirs
de l'obscurité
(p. 61)
Je suis prisonnière
je me débats pour finir mon récit
quelque chose s'obstine sous les mots
se réverbère derrière l'oeil
tourne autour.
J'écoute l'image
me raconter ce que je vois
et respire.
Les nuages ont blanchi
comment s'arracher à l'infini
lorsqu'il touche les ténèbres de si près?
Ces choses-là s'écrivent avec la chair et le sang.
(pp. 76-77)
Christine Durif-Bruckert, L'origine d'un monde, éditions Invenit, 2021.
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Par Luminitza C.Tigirlas le 31 Octobre 2021 à 20:05
Bonjour à toutes et à tous,
Je vous convie très chaleureusement à une nouvelle séance publique de mon Séminaire "Création&Psychanalyse: réverbérations--La poésie à gorge déployée",une rencontre-entretien avec le poète James Sacré.
Cet événement proposé dans le cadre des enseignements de l'A.L.I.-Languedoc-Roussillon aura lieu
le jeudi 25 novembre 2021 à 19h30
dans la salle de l'Association VIA Voltaire, au 1 rue Voltaire, 34000 Montpellier.
Entrée libre avec inscription préalable.
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