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    Avec Victor Hugo 

     

     

    Ce n'est pas le canon du noir vendémiaire,
    Ni les boulets de juin, ni les bombes de mai,
    Qui font la haine éteinte et l'ulcère fermé.
    Moi, pour aider le peuple à résoudre un problème,
    Je me penche vers lui. Commencement : je l'aime.
    Le reste vient après. Oui, je suis avec vous,
    J'ai l'obstination farouche d'être doux,
    Ô vaincus, et je dis : Non, pas de représailles !
    Ô mon vieux coeur pensif, jamais tu ne tressailles
    Mieux que sur l'homme en pleurs, et toujours tu vibras
    Pour des mères ayant leurs enfants dans les bras.

    Quand je pense qu'on a tué des femmes grosses,
    Qu'on a vu le matin des mains sortir des fosses,
    Ô pitié ! quand je pense à ceux qui vont partir !
    Ne disons pas : Je fus proscrit, je fus martyr.
    Ne parlons pas de nous devant ces deuils terribles ;
    De toutes les douleurs ils traversent les cribles ;
    Ils sont vannés au vent qui les emporte, et vont
    Dans on ne sait quelle ombre au fond du ciel profond.
    Où ? qui le sait ? leurs bras vers nous en vain se dressent.
    Oh ! ces pontons sur qui j'ai pleuré reparaissent,
    Avec leurs entreponts où l'on expire, ayant
    Sur soi l'énormité du navire fuyant !
    On ne peut se lever debout ; le plancher tremble ;
    On mange avec les doigts au baquet tous ensemble,
    On boit l'un après l'autre au bidon, on a chaud,
    On a froid, l'ouragan tourmente le cachot ;
    L'eau gronde, et l'on ne voit, parmi ces bruits funèbres,
    Qu'un canon allongeant son cou dans les ténèbres.
    Je retombe en ce deuil qui jadis m'étouffait.
    Personne n'est méchant, et que de mal on fait !

     

     Victor Hugo, extrait du recueil L'année terrible, 1872.

     


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    Avec Vénus  Khoury-Ghata

     

    Parce que leurs noms étaient trop larges pour leurs corps d’étrangers
    ils se taillèrent des noms de voyage dans le tissu rêche des chemins

    Des noms pliables sous la peau
    pour les villes qui fument leurs hauts fourneaux pour oublier les prairies asphaltées.

    Sur les cils de la lune il y a de la poussière disent-ils

    et ils frappent aux portes des femmes pour retrouver une patrie.

     

    Vénus  Khoury-Ghata


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    Avec Tristan Corbière

    Un chant dans une nuit sans air...
    – La lune plaque en métal clair
    Les découpures du vert sombre.

    ... Un chant ; comme un écho, tout vif
    Enterré, là, sous le massif...
    – Ça se tait : Viens, c'est là, dans l'ombre...

    – Un crapaud ! – Pourquoi cette peur,
    Près de moi, ton soldat fidèle !
    Vois-le, poète tondu, sans aile,
    Rossignol de la boue... – Horreur ! –

    ... Il chante. – Horreur !! – Horreur pourquoi ?
    Vois-tu pas son œil de lumière...
    Non : il s'en va, froid, sous sa pierre.
    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
    Bonsoir – ce crapaud-là c'est moi.

    Ce soir, 20 Juillet.

    Tristan Corbière, "Les amours jaunes", 1873

     

    Le crapaud


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    ne serions-nous pas tous 


    -- hommes, dieux et univers --

    les rêves de quelqu'un qui rêve,

    les pensées de quelqu'un qui pense,

    placés pour toujours en dehors de ce qui existe?

    Et ce quelqu'un qui rêve ou qui pense, 

    pourquoi ne serait-il pas 

    quelqu'un qui ne rêve  ni ne pense, 

    soumis lui-même à l'abîme et à la fiction?

     

    Fernando Pessoa, Le livre de l'intranquilité, 

    Christian Bougois éditeur, 1988, p. 145-146.

     

     


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  • INCONSCIENT & RÉVERBERATIONS POETIQUES


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    ...avec Adeline Yzac

     

    blat languit

    comma mal d'ostal

    quicom te sarra

    venes blat languit

     

    blé retrait

    comme nostalgie

    fond d'angoisse

    tu deviens blé retrait

     

     

    Pas pour rien

    Le poème cité se trouve dans ce bel ouvrage paru aux éditions Reclams,

    Pau, 2022, p. 30-31.

    La couverture est ornée d'une oeuvre de l'artiste Patricia Stheeman. 

     

    Le livre de poésie d'Adeline Yzac est à savourer.

     


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