-
Par Luminitza C.Tigirlas le 19 Février 2024 à 10:05
Avec Victor Hugo
Ce n'est pas le canon du noir vendémiaire,
Ni les boulets de juin, ni les bombes de mai,
Qui font la haine éteinte et l'ulcère fermé.
Moi, pour aider le peuple à résoudre un problème,
Je me penche vers lui. Commencement : je l'aime.
Le reste vient après. Oui, je suis avec vous,
J'ai l'obstination farouche d'être doux,
Ô vaincus, et je dis : Non, pas de représailles !
Ô mon vieux coeur pensif, jamais tu ne tressailles
Mieux que sur l'homme en pleurs, et toujours tu vibras
Pour des mères ayant leurs enfants dans les bras.Quand je pense qu'on a tué des femmes grosses,
Qu'on a vu le matin des mains sortir des fosses,
Ô pitié ! quand je pense à ceux qui vont partir !
Ne disons pas : Je fus proscrit, je fus martyr.
Ne parlons pas de nous devant ces deuils terribles ;
De toutes les douleurs ils traversent les cribles ;
Ils sont vannés au vent qui les emporte, et vont
Dans on ne sait quelle ombre au fond du ciel profond.
Où ? qui le sait ? leurs bras vers nous en vain se dressent.
Oh ! ces pontons sur qui j'ai pleuré reparaissent,
Avec leurs entreponts où l'on expire, ayant
Sur soi l'énormité du navire fuyant !
On ne peut se lever debout ; le plancher tremble ;
On mange avec les doigts au baquet tous ensemble,
On boit l'un après l'autre au bidon, on a chaud,
On a froid, l'ouragan tourmente le cachot ;
L'eau gronde, et l'on ne voit, parmi ces bruits funèbres,
Qu'un canon allongeant son cou dans les ténèbres.
Je retombe en ce deuil qui jadis m'étouffait.
Personne n'est méchant, et que de mal on fait !Victor Hugo, extrait du recueil L'année terrible, 1872.
votre commentaire -
Par Luminitza C.Tigirlas le 23 Août 2023 à 10:44
Avec Vénus Khoury-Ghata
Parce que leurs noms étaient trop larges pour leurs corps d’étrangers
ils se taillèrent des noms de voyage dans le tissu rêche des cheminsDes noms pliables sous la peau
pour les villes qui fument leurs hauts fourneaux pour oublier les prairies asphaltées.Sur les cils de la lune il y a de la poussière disent-ils
et ils frappent aux portes des femmes pour retrouver une patrie.
Vénus Khoury-Ghata
votre commentaire -
Par Luminitza C.Tigirlas le 22 Juin 2023 à 14:55
Avec Tristan Corbière
Un chant dans une nuit sans air...
– La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.... Un chant ; comme un écho, tout vif
Enterré, là, sous le massif...
– Ça se tait : Viens, c'est là, dans l'ombre...– Un crapaud ! – Pourquoi cette peur,
Près de moi, ton soldat fidèle !
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue... – Horreur ! –... Il chante. – Horreur !! – Horreur pourquoi ?
Vois-tu pas son œil de lumière...
Non : il s'en va, froid, sous sa pierre.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bonsoir – ce crapaud-là c'est moi.Ce soir, 20 Juillet.
Tristan Corbière, "Les amours jaunes", 1873
votre commentaire -
Par Luminitza C.Tigirlas le 22 Mai 2023 à 07:00
ne serions-nous pas tous
-- hommes, dieux et univers --
les rêves de quelqu'un qui rêve,
les pensées de quelqu'un qui pense,
placés pour toujours en dehors de ce qui existe?
Et ce quelqu'un qui rêve ou qui pense,
pourquoi ne serait-il pas
quelqu'un qui ne rêve ni ne pense,
soumis lui-même à l'abîme et à la fiction?
Fernando Pessoa, Le livre de l'intranquilité,
Christian Bougois éditeur, 1988, p. 145-146.
votre commentaire -
-
-
Par Luminitza C.Tigirlas le 21 Octobre 2022 à 17:08
...avec Adeline Yzac
blat languit
comma mal d'ostal
quicom te sarra
venes blat languit
blé retrait
comme nostalgie
fond d'angoisse
tu deviens blé retrait
Le poème cité se trouve dans ce bel ouvrage paru aux éditions Reclams,
Pau, 2022, p. 30-31.
La couverture est ornée d'une oeuvre de l'artiste Patricia Stheeman.
Le livre de poésie d'Adeline Yzac est à savourer.
votre commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique