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Attirée par la langue d'Oc et la Méditerranée, peut-être en égale mesure par les deux, j'ai déménagé en juin 2020 à Montpellier.
Le 30 décembre 2020, jour inondé d'un soleil sans masque, en faisant un tour à Avignon, mes pas m'ont porté dans la cour de la Salle Marceu Bosqui, troubaire et tambourinaire, et là... surprise! -- une plaque m'a rappelé vers mes racines roumaines:
Les archives de la Toile ont bien éclairé ma lanterne
et j'ai eu envie à mon tour de partager avec mes ami(e)s lecteurs du monde
ce que je viens d'apprendre ou réapprendre dans un contexte différent de celui de mon enfance en Moldova orientale.
Frédéric Mistral et le poète roumain Vasile Alecsandri
En mai 1878 se déroulent à Montpellier les premières grandes Fêtes latines organisées dans la mouvance de la renaissance d’oc. Comme pour toute rencontre d’inspiration félibréenne, et dans le souvenir des Jeux floraux du Moyen Âge, un grand concours de poésie est organisé. Cinquante-six poètes de langue latine concourent pour le choix du “Chant du Latin”, destiné à devenir l’hymne identitaire de la latinité. Parmi eux, trois auteurs de langue roumaine enverront des textes, une écrivaine anonyme de Tîrgu-Mures, un certain Romulus Scriban et Vasile Alecsandri.
Le poème d’Alecsandri, Cîntul Gintei Latine - “Chant de la gent latine” - est couronné et largement diffusé dans la presse de l’époque, de Turin à New York en passant par Bogota. Cet honneur montpelliérain rencontre un écho important dans la jeune Roumanie, dont l’indépendance n’a été reconnue qu’un an plus tôt, et qui bénéficie ainsi d’un éclairage mondial. Des liens profonds se tissent dès lors entre les intellectuels roumains et les acteurs de la renaissance d’oc.
Le poète national roumain Vasile Alecsandri et le grand poète de la Provence cherchent tous deux à sauver leur langue par l’invention d’une littérature qui puiserait aux racines populaires de leur pays. À Mircesti comme à Maillane, c’est “aux pâtres et aux gens de la terre” (Mistral), que le poète s’adresse.
"Le nom d'Alecsandri est inscrit dans le ciel des bons génies de Provence, comme il l'est au panthéon des plus pures gloires latines et des immortels fondateurs de la nationalité roumaine"
Lettre de Frédéric Mistral à Pauline Alecsandri, 12 septembre 1890.
A droite : Recueil de poésies roumaines de Vasile Alecsandri, “traduites en vers provençaux” par Alphonse Tavan, 1886.
Au-delà de la relation de profonde amitié qui lie les deux grands poètes, s’ouvre avec les Fêtes latines de Montpellier une décennie de roumanophilie dans les milieux de la renaissance d’oc à laquelle répond l’attachement d’Alecsandri à la culture occitane au point de se nommer lui-même “trobaire d’Orient”. L’amitié roumano-occitane culmine lors des Jeux floraux de 1882 en présence d’Alecsandri, alors président du Sénat roumain. Les félibres vont alors trouver dans la reine de Roumanie, poète sous le nom de Carmen Sylva, l’héritière de la légendaire Clémence Isaure de Toulouse. La reine de Roumanie, à laquelle de nombreux poètes dédient des compositions en langue d’oc, est déclarée Maître des Jeux floraux en 1883.
La Gent latine est la reine
Des nations de l'univers
Son étoile, fixe et sereine,
Scintille au fond des cieux ouverts.
Vers d'immortelles destinées,
Elle marche d'un pas certain,
Versant aux gentes inclinées
Tous les rayons de son matin.
La Gent latine est une vierge
Au charme doux et ravissant ;
L'étranger vers elle converge
Et l'adore en la bénissant.
Belle, vive, joyeuse et fière,
Sous le ciel bleu, dans l'éther pur,
Elle rit dans la lumière,
Et se baigne en des flots d'azur.
La terre à la Gent latine
A tout donné : or, blé, rayons ;
Et, largement, sa main divine
Les répartit aux nations.
Mais, terrible dans sa colère,
Rien n'arrête son bras vengeur,
Lorsque la tyrannie altière
La menace en son honneur.
Lorsque viendra l'heure suprême
Et que Dieu lui demandera :
" Je t 'ai donné le diadème,
Qu'as-tu fait ? " elle répondra,
Ayant à sa droite la Victoire,
A sa gauche la Vérité :
" Sur la terre, pour ta gloire,
Mon dieu, je t'ai représenté. "Vasile Alecsandri, Le chant de la Gent latine, 1878.
http://francais.agonia.net/index.php/poetry/1835436/Le_chant_du_latin
Ce texte a été couronné du premier prix lors du congrès des Félibriges à Montpellier en 1878. Son auteur, Vasile Alecsandri, a été un très bon ami de Frédéric Mistral. En tant qu'homme de culture et sénateur, V. Alecsandri a énormément contribué au renforcement des liens culturels entre la Roumanie et le Sud de la France, entre la Moldavie, sa province natale et la Provence, mettant en valeur l'origine latine commune de nos langues et peuples.
Ce poème et ce commentaire nous ont été transmis par R. Bena, Consul Général de Roumanie à Marseille.https://www.babelio.com/auteur/Vasile-Alecsandri/337947
(Les photos d'Avignon m'appartiennent - Luminitza C. Tigirlas, 30.12.20)
8 commentaires -
Tentative de haïku ...pour Georges SEVE,
qui nous réunit généreusement au Qi Gong Bambou sur le Domaine de Méric à Montpellier.
Lorsque je l'appelle Maître, l'homme sème sa poésie : "milliMaître ça suffit..."
Nu, l’érable dans la lueur du Lez
Sur la rive
le maître SEVE
étire le sens du mouvement
Je lève le bambou –
une aile élance mon bras
( © Luminitza C. Tigirlas, Lueur du Lez,
in Autres poèmes de la soif matinale, Série d'inédits, 2020. © Tous droits réservés )
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...avec Gérard Pommier
"La poésie brûle" de Gérard Pommier lu par Luminitza C. Tigirlas
Le lien ci-dessus permet d'accéder à mon texte.
Mes vives remerciements à Oedipe Le Salon de m'avoir accepté en tant que passeur de ce livre intense et surprenant.
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Paul Celan
Todesfuge Fugue de mort
Lait noir de l’aube nous le buvons le soirle buvons à midi et le matin nous le buvons la nuitnous buvons et buvonsnous creusons dans le ciel une tombe là on n’est pas serréUn homme habite la maison lui joue avec les serpents il écritil écrit quand il va faire noir en Allemagne tes cheveux d’or Margareteécrit ces mots s’avance sur le seuil et les étoiles tressaillent il siffle ses grands chiensil siffle il fait sortir ses juifs et creuser dans la terre une tombeil nous commande allons jouez pour qu’on danseLait noir de l’aube nous te buvons la nuitte buvons le matin puis à midi nous te buvons le soirnous buvons et buvonsUn homme habite la maison lui joue avec les serpents il écritil écrit quand il va faire noir en Allemagne tes cheveux d’or MargareteTes cheveux cendre Sulamith nous creusons dans le ciel une tombe là on n’estpas serréIl crie enfoncez plus vos bêches dans la terre vous autres et vous chantez jouezil attrape le fer à sa ceinture il le brandit, ses yeux sont bleusenfoncez plus les bêches vous autres et vous jouez encore pour qu’on danseLait noir de l’aube nous te buvons la nuitte buvons à midi et le matin nous te buvons le soirnous buvons et buvonsun homme habite la maison tes cheveux d’or Margaretetes cheveux cendre Sulamith il joue avec les serpentsIl crie jouez plus douce la mort la mort est un maître d’Allemagneil crie plus sombres les archets et votre fumée montera vers le cielvous aurez votre tombe alors dans les nuages là on n’est pas serréLait noir de l’aube nous te buvons la nuitte buvons à midi la mort est un maître d’Allemagnenous te buvons le soir et le matin nous buvons et buvonsla mort est un maître d’Allemagne son œil est bleuil te touche d’une balle de plomb il ne te manque pasun homme habite la maison tes cheveux d’or Margareteil lance ses grands chiens sur nous il nous offre une tombe dans le cielil joue avec les serpents et rêve la mort est un maître d’Allemagnetes cheveux d’or Margaretetes cheveux cendre SulamithTraduit par Jean-Pierre Lefebvre"Lettre 51Paris, le 28 juillet 1960Ma chère, chère Nelly!Tu vas mieux -- je sais.Je le sais parce que le mal qui te traque -- qui me traque aussi -- est reparti, a cédé et s'en ai retourné au non-être où il a sa place; parce que je sens et sais qu'il ne peut pas revenir, qu'il s'est dissous en un petit tas de néant.Voilà, maintenant tu es libre, une fois pour toutes.Et -- si tu me permets cette pensée -- moi avec toi, nous tous avec toi.Je t'envoie ici encore quelque chose qui aide contre les petits doutes qui parfois nous assaillent; c'est un morceau d'écorce de platane. On le prend entre le pouce et l'index, le tient bien fort en pensant à quelque chose de bon. Mais -- je ne peux te le taire -- des poèmes, et surtout les tiens, sont d'encore meilleures écorces de platane. Je t'en prie, alors recommence à écrire. Et laisse cela s'acheminer vers nos doigts. Tu sais combien nous -- et pas seulement nous -- en avons besoin.(...)De tout coeurTon Paul"Nelly Sachs -- Paul Celan, Correspondance, Belin, 1999, p. 51-52.Traduit de l'allemand par Mireille Gansel
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ça équivoque ...avec Adeline Yzac
Baudelaire de Dieu
les mots
je mords dedans
encore et encore
à belles dents
du moins je crois
les mots
qui d’eux
de moi
a le plus de mordant
qui d’eux de moi
a une dent contre
et bouffe l’autre
jusqu’au néant
(p. 23)
envers du dé-corps
j’ai perdu les subordonnées relatives
les conjonctions
où est donc passé or ni car
la coordination se fait mal
j’ai oublié le pluriel
envers du dis-corps
l’autre j’ai perdu de l’autre
je parle dans le vide
je prêche dans le désert
je parle à petits mots
du presque rien
du menu grain
pour les moineaux
(p. 51)
Adeline Yzac, en corps et en corps, Poésie, éditions Musimot, 2019.
Couverture: création graphique © Monique Lucchini
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Cantilène de sainte Eulalie de Merida
La poésie brûle...avec Gérard Pommier
Vierge de bonté fut Eulalie
Belle de corps et belle d’Âme
Les ennemis de Dieu la défaire voulurent,
Ils voulurent la faire servir le diable !
Elle n’écouta pas leurs perfides conseils
« Renie ce Dieu habitant des cieux ! »
Pour jamais non ! Ni pour Or, ni Argent, ni Bijou
Rien n’y feront les menaces d’un Roi, ni ses pierres précieuses
Rien ne la mit jamais à genoux !
Toujours la Vierge n’aima que les ordres de Dieu
Et elle fut ainsi devant Maximilien traînée
Qui en ces temps était Roi des Païens,
Rien ne la fit renoncer à son nom chrétien
Qui déclare à lui seul sa force rassemblée,
« Je supporterai mille fois mieux les chaînes
Que perdre ma virginité ! »
Et ainsi murut-elle en Fidèle
D’abord au feu jetée, afin de la brûler
Mais elle n’y prit point garde, et elle ne brûla pas
Le Roi des Païens qui n’en cru pas ses yeux
D’une épée ordonna de lui trancher la tête
Et ainsi laissa-t-elle le siècle derrière elle,
Puisque le Christ l’ordonnait ainsi.
Et telle une colombe, au ciel elle s’envola !
« Que le Christ ait pitié de moi
Une fois la mort passée, qu’il me laisse approcher
Ainsi soit-il en sa clémence ! »
Cantilène de sainte Eulalie de Merida, Une tentative de traduction de la langue d’oïl, in Gérard Pommier, La poésie brûle, Galilée, 2020, p. 218.
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"Corps rassemblé" est le titre du nouveau livre de poésie publié par
Esther Tellermann aux éditions Unes.
Occasion importante pour entendre la magnifique poétesse lors d'une rencontre le 4 mars 2021 à Montpellier.
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