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jusqu’à la rupture (de la voix)... avec Benjamin Guérin
Je me suis arrêté au bord des grands hêtres
ces arbres dont la tête ressemble tant à ma main
ouverte et lacérée sans fin
des lignes de la vie.
En ces troncs j’ai creusé mon abri, qui m’isole et protège,
pendant mon sommeil, comme un père, attendri.
En ce lieu, l’habitant est nu
il doit trouver seul son habit.
Les pierres les premières y pourvoient
elles façonnent la voûte de son pied
et les chutes épaississent ses chairs.
Il s’habille de cuir. Il est sans habitudes.
Les chemins accordent son souffle
et sans cesse à contre courant
il tend ses nerfs comme les haubans
jusqu’à la rupture jusqu’au cri
pour encore remonter le vent.
Benjamin Guérin, Chants du voyageur, Poèmes,
recueil accompagné d'encres de Jean-Giles Badaire, éditions de Corlevour, 2019, p. 58.
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I.
1980, Règne des RonronneMents de Brejnev : L’Université d’État de Chisinau (Moldova orientale) nous délivre nos Diplômes d’Études Supérieures Spécialisées. Nous sommes « la première promotion » jetée dans la Mare et nous n’avions aucune idée des Iles Solovki, du GULAG, nous faisons mine d'ignorer la Censure... Après cinq années d’études universitaires, nous sommes des « Rédacteurs littéraires », fabriqués par l’URSS. Quelle histoire allons-nous pouvoir-vouloir rédiger dans les pages des « organes » de presse du Parti Communiste sautant comme cela diplômés (déplumés) encore en plein délire triomphaliste du régime soviétique ? Nous étions nus et nos Diplômes d’études littéraires politisées à des doses empoisonnantes n’étaient que des pierres qui nous serraient le cou et nous attiraient au fond de l'Histoire…
Quarante ans plus tard, tout aussi dénudée, lorsque mes anciens collègues de la Promotion 1980 me demandent, comme si de rien n'était, un texte pour un Album ( ?), j’essaie de donner corps à ce qui ne peut se dire lorsqu’on est noyé dans la boue idéologique. Ce texte ne verra pas le jour dans le contexte prévu. Encore raid(e) dans mon rapport à la mémoire, je le publie ici en roumain, c'est sa version originale :
Cu intarziere de patru decenii îmi dau seama că în anii de studenție eram pe cât de curioasă pentru literatura pe care o citeam, pe atât de oarba in ceea ce priveste sistemul totalitar, colonialist în care existam. Recunosc cu tulburare că a trebuit să trăiesc 20 de ani în Franța pentru a mă deștepta un pic în materie de libertate de spirit. Mi-i rușine si acum că nu am protestat împotriva suprimarii cursului nostru de limba latină la universitate. Ma trec fiorii să revad lista de materii cu care am fost indoctrinați : cum nu ne-am iesit din minți ?!
In anii aceea tineri, imi admiram prietenele dragi si colegele de studenție, mă simțeam intimidată de tăcerile lui Val Butnaru, eram pierdută în fața tiradelor misterioase ale lui Virgil Bohanțov, disparut din păcate…
Cursul de literatură universală al tânărului profesor Sergiu Pavlicencu, tot ceea ce ne-a transmis cu vocea și privirea sa seducătoare, și până acum ma poartă-n lume, îi rămân profund recunoscătoare.
Ii datorez mult, chiar imens, frumoasei si sclipitoarei Doamne Valentina Hristov-Bradu, regretata mea profesoară de franceză. Înainte de a o întâlni, limba rusă nu prea lăsa aer francezei mele învățate cu sârg la scoala, și doar numai cu această iubită profesoară, limba franceza a inceput să respire, să trăiasca. Nu în zădar, visul meu de copil de-a deveni scriitoare se realizează începând cu 2016 anume în limba franceză, limba prin care la zece ani am avut acces la alfabetul latin de care ne era dor fara sa stim că e si al nostru, al instrainatei noastre limbi române…
Comment ce texte peut-il se traduire en français?
Une phrase ou deux peut-être:
Encore maintenant j'ai honte de ne pas avoir protesté contre la suppression de notre cours de latin à l'Université (on l'a remplacé par l'histoire de la presse bolchevique, cours tenu en russe par un personnage débarqué express de Moscou! )
J'ai des frissons à revoir la liste de matières d'études dont nous avons été endoctrinés: comment se fait-il que nous n'avions pas perdue la raison, que nous ne sommes pas fous?
étions-nous des vivants?
Le Silence était de mort.
Personne ne parlait de "L'archipel de Goulag" publié par Soljenitsyne à Paris en 1973 ... époque à laquelle en Moldova orientale, sertie dans l'URSS, notre génération entrait dans la vie pour se boucher les oreilles et pour se taire...
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Comment "NE PAS" ...avec Anne-Marie Jeanjean
Ne pas...(Oublier)
Ici, un oreiller de pierre pour la tête trop lourde
un murmure lointain de vague et de vent pour le
coeur trop mort
avec juste un peu de sable pour les membres brisés
avec juste quelques cailloux pour les cacher
Là-bas, y aura-t-il assez de tourbières pour enfouir
les pleurs des enfants de la guerre - à peine hors du
ventre dans le froid de la haine vorace
y aura-t-il assez de
graviers pour
la bouche des « folles »
(p. 89)
Ne pas... (Désespérer)
AILLEURS ?
S’il reste un peu d’humus
juste un peu
d’humus et d’eau
pour que cette espèce
maudite – mais qui a tout en main
accède un jour à elle-même
...qu’il n’y ait plus de graviers
pour la bouche des « folles ».
(p. 105)
Anne-Marie Jeanjean, Sans brise-lames, L'Harmattan, 2019, Poésie, Collection Levée d'ancre.
Extraits de la deuxième partie du livre, intitulée "Ne pas" .
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Un bout d'os ...avec James Sacré
Petits masques voyageurs sans le vouloir
Partis peut-être d'un même pays
Les voilà qui se rencontrent (ou se retrouvent?)
Plus perdus que jamais
Sur la couleur sombre d'une table en bois
Rue de Mourèze à Montpellier, Montpellier en
France
Pas la capitale du Vermont, ni d'autres
Montpellier
Qu'il y a peut-être ailleurs; les mots voyagent.
Les mots voyagent,
Transportent quoi d'un endroit l'autre, sinon
Le silence (amical ou ricaneur)
De tous les masques du monde?
(p.48)
*
Sur la même table en bois, venue de la Nouvelle
Angleterre
Ce brouillon de poème dont on peut se demander
S'il est un masque abandonné.
(p. 49)
*
...
Y-a-il un visage
Sous le masque du poème?
Ou si le poème est là
Sans rien qui parle derrière?
Un visage qui s'est défait,
Masque mort
Dans un désir oublié?
(p. 50)
*
Peu à peu un masque d'os et de rictus
S'installe à fleur de notre peau, bientôt
T'auras ton visage comme un cul sans forme
Carnaval pas drôle qui met tout à l'envers
Toujours, auras-tu
L'énergie d'en rire? Et si même sous terre
Un bout d'os
T'affirmera vivant?
(p. 65)
*
L'éclat d'une pierre noire avec des trainées fauves
Sa forme un peu longue, épaisse
Remplit bien la main, et bon poids.
Je l'ai ramassée pas loin d'un lieu familier
Traversant la route pour arriver
Aux verdures quelque peu fatiguées
D'un triangle de jardin public.
La pierre est sans doute marocaine
Mais comment venue là en ce lieu perdu du Gharb?
Et comment si soudainement
Pesante de solitude et de silence
Quand maintenant tu la regardes
En ta maison de Montpellier?
(p. 126- 127)
James Sacré, Figures de silences, Tarabuste Editeur, 2018.
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Agencement du désert ... avec Carole Mesrobian
Le tissu d'émeraude de feuilles qui balaient
la lumière salvatrice ouvre un espace oublié.
C'est de là qu'est venu écrire, dans la pulpe
végétale de l'enfance. Là autrefois il y avait
un homme grand comme un arbre. Il souriait
avec ses yeux. J'ai été sauvée là. J'ai imaginé là
dans la puissance incantatoire de la nature.
C'est Breughel et Naples réunis, c'est L'Homme
blessé à Paris, la Pietà sous le drapé
qui offre au Christ la soie des larmes.
L'Homme de l'enfance ne parlait pas...
(p. 16)
...j'étais le vent augural et la tornade des déserts,
je crois. J'ai su qu'on peut être la multitude et l'unique,
le tremblement et le funambule, la montagne
comme le roc.
Peu m'importait les briques édifiées autour du corps,
j'habitais un château magistral et cosmique que rien
ne peut anéantir parce qu'il est le néant qui déborde
de lui-même.
(p. 35)
J'écris, j'ai écris
Je suis une femme ailleurs
là où n'existent plus les femmes
ni les hommes
Tout juste des paillettes
ce qui pétille
ce qui crépite
hors tout feu
(p. 117)
Carole Mesrobian, Agencement du désert , z4 éditions, 2020, Illustration de couverture: Davide Napoli.
Le livre est paru avec une préface de Tristan Felix dans la belle collection "La diagonale de l'écrivain", dirigée chez z4 éditions par l'écrivain Philippe Thireau.
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Didier AYRES , dans la revue "Le capital des mots",
me fait l'honneur et le plaisir de se pencher
en toute subtilité sur Le Pli des leurres
et de saisir "l'oscillation entre plusieurs identités"
d'Oète ou Odette, qui, elle, est bien la narratrice à voix multiples
de mon livre de fiction, paru chez z4 éditions :
Didier AYRES lit "Le Pli des leurres"
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