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    Ce jour un billet de Florent Toniello

    sur "D'ailleurs poésie" est consacré  à mon poème "Ici à nous perdre", lecture qui me touche

    et dont je remercie l'auteur de tout coeur. 

     

    https://www.dailleurspoesie.com/billets-de-florent-toniello.html?fbclid=IwAR30ohgniv2ZJNSZwMSyXC7j6zwq0nGtVZ2ewlgKUher4OAr8e9bCGnm14A

     

     
    Picture 
    Luminitza C. Tigirlas : Ici à nous perdre
    Éditions du Cygne, 2019

    Est-ce parce qu’elle est « une survivante de l’assimilation linguistique dans l’URSS », comme le révèle la quatrième de couverture, que Luminitza C. Tigirlas prend autant de soin à employer des termes précis, qui impriment des images détaillées dans l’esprit ? Dans son Ici à nous perdre, en effet, elle convoque le vocabulaire botanique (panicules, épillets ou monardes se côtoient) ou d’inspiration régionale (la burle, ce vent froid du Massif central), ce qui donne à son texte un goût de refus du flou artistique, d’insatisfaction devant les mots génériques. Sa voix est tranchante, les vocables y ont la « virtuosité fondante de la neige ». C’est que le recueil, dédié à « l’Amie disparue », ne saurait se contenter d’à peu près. La douleur est une chose sérieuse que Luminitza pèse à chaque vers : « Des bras urticants embrasent ta chair », s’écrie-t-elle en filant la métaphore végétale teintée d’animale. S’écrie, en effet, car toujours sur la quatrième de couverture, on peut lire qu’« Ici à nous perdre s’écri(e)t et se donne à lire d’un seul souffle ». C’est exactement ce que le recueil provoque : l’envie inarrêtable de consommer, consumer en un seul souffle ses pages, comme sûrement — mais le saura-t-on jamais ? — celle qui l'a composé a dû le faire en un laps de temps rapide, comme dans une transe d’inspiration triste.
     
    Si le livre de deuil n’est pas rare en poésie, souvent, il convoque un certain lyrisme. Ce n’est pas le cas ici, et l'autrice, tout en pudeur, se prête avec beaucoup de talent au jeu de la concision. Qu’on en juge par ce simple poème, sur une page entière : « Où est ta langue ? / Une râpe rouge sang // Voix insonore / L’air est ranci ». Que faut-il écrire de plus pour témoigner de l’absence à venir, de l’absence qui s’installe, de l’absence déjà présente ? « J’excise le son de mes lèvres » semble bien être l’art poétique de l’autrice pour ce recueil sensible, où la précision du vocabulaire sert une irrésistible nostalgie, mais aussi un sentiment bien ancré dans l’instant pour celle qui n’est pourtant plus. Alors pour que la « Muance du mot // de métastase en métamorphose » advienne enfin, pour avoir la force d’accepter, Luminitza rassemble ses vers et les offre, nus dans leur méticuleuse justesse, à nous, lectrices et lecteurs. Impudique et discrète à la fois, afin qu’on puisse partager son chagrin.
     
    *
     
    La lune ne décroît plus jamais
    Exécrable vision de rondeur trop pleine
    alors que l’univers ne cesse d’émoudre
    ses quelques saillies
    ses armes blanches
    ses épines
    ses systèmes de surveillance
     
    Les miraculés sont enclins à épier
    plutôt qu’à expier
    Ils versent le refrain dans la rivière
    En mer leur chant est sel et complainte
     
     
     
     

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    Jean-Pierre Longre se penche en toute délicatesse

    sur mon poème "Ici à nous perdre" ,

    merci à lui pour cette lecture détaillée:

     

    http://livresrhoneroumanie.hautetfort.com/archive/2019/12/03/mort-et-metamorphose-6194527.html

     

    poésie, francophone, luminitza c. tigirlas, éditions du cygne, jean-pierre longreLuminitza C. Tigirlas, Ici à nous perdre, éditions du Cygne, 2019

    Les brefs poèmes de ce recueil sont dédiés « à l’Amie disparue », mais s’adressent à tous les lecteurs qui veulent bien pénétrer la densité de textes dont les motifs sont portés par une langue « aux mots nouvellement reconquis ». Une reconquête que Luminitza C. Tigirlas mène de livre en livre, de poème en poème, depuis ses propres origines linguistiques. Nous sommes donc sous le signe du renouvellement, en particulier celui des images : c’est « le vin de paille » qui a bu, ou « le deuil [qui] s’habille », non l’inverse ; il se peut que « les cormorans rédigent des testaments » (oui, on peut y lire « corps mourants », ce qui implique bien plus qu’une simple originalité animalière), ou « tu déneiges une métaphore »…

    L’audace des paradoxes (« paroles indicibles », « voix insonores ») va de pair avec les pauses, les blancs, les silences, les respirations musicales, qui permettent au souffle de revenir (« Quel souffle me ranimera ? »), à la vie de « l’Amie » de se re-manifester « ici », quitte à « nous perdre » (« Le souffle d’un ailleurs la prend par la taille »), et de se soustraire « à l’invasion cancéreuse », de passer « de métastase en métamorphose ».

    De même que la nature, les fleurs, parfois les oiseaux répondent à l’appel du « vent floriculteur » qui les porte, de même les mots se laissent porter par leurs sonorités : « à mort » appelle « à morsure » et « Amore », « épier » appelle « expier », « digne » et « cils » appellent « cligne », etc. De la musique encore, qui au-delà du ludisme participe à l’exploration des profondeurs de la vie, de la maladie, de la mort, du manque ; et « seul l’amour n’est pas à perdre ».

    Jean-Pierre Longre

     

     


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